Auteur : Heinz Sobota

« On aimerait tuer l'auteur, et publier ensuite son œuvre posthume. »

C'est par cette phrase percutante qu'un journaliste du « Spiegel » avait conclu la lecture d'un manuscrit étonnant qui, après avoir été refusé par plusieurs éditeurs, était parvenu entre ses mains.

L'auteur, Heinz Sobota, âgé de trente-quatre ans, est autrichien. Il a passé au total dix années de sa vie dans différentes maisons de correction et prisons de son pays (ainsi qu'aux Baumettes, où il a écrit son livre) pour une série de délits graves : tentative de meurtre sur son père, désertion, agressions, proxénétisme…

Chacun de ses séjours en prison, comme chacune de ses libérations, sera une étape de plus dans une véritable descente aux enfers. Souteneur, casseur, alcoolique, Sobota décrit ce qu'il fait, ce qu'on lui fait, ce qu'il voit faire, en une suite de scènes hallucinantes, d'une brutalité parfois difficilement soutenable. Il se met à nu sans aucune complaisance avec une sorte de noire jubilation.

On pense par moments à Genêt ou à Miller. Mais l'univers de Sobota est avant tout le sien : celui de la fureur irraisonnée, de la violence et de l'érotisme des mauvais garçons, celui des filles « mises au pas », celui de l'angoisse et de la solitude des grandes villes.

C'est dans l'autodestruction et dans une véritable ascèse du mal que l'auteur poursuit la quête désespérée de son identité. Elle n'exprime pas seulement la haine frénétique de la société bourgeoise mais, à la limite, la négation des simples rapports humains.

Mais un jour cette « contre-identité » se ressaisit et se dépasse dans l'acte d'écrire. Sa brutalité alternativement naturaliste et lyrique s'y donne libre cours. Livre à la fois profondément immoral et moral. Car ce qui semble un débordement de violence et de crime se révèle comme un cri monstrueux de bête blessée.